Influenceurs sous surveillance : les frontières floues de la responsabilité pénale

Dans l’ère du numérique, les influenceurs sont devenus de véritables prescripteurs d’opinions et de comportements. Mais avec le pouvoir vient la responsabilité. Quelles sont les limites légales de leur influence et les conséquences pénales de leurs actes en ligne ?

L’émergence d’un nouveau statut juridique pour les influenceurs

Le statut juridique des influenceurs est en pleine évolution. Longtemps considérés comme de simples utilisateurs des réseaux sociaux, ils sont désormais reconnus comme des acteurs économiques à part entière. Cette reconnaissance s’accompagne d’un cadre légal plus strict, notamment avec la loi Naegelen de 2023 qui vise à encadrer l’activité d’influence commerciale.

Les influenceurs sont désormais soumis à des obligations spécifiques, comme la déclaration de leurs partenariats commerciaux ou l’interdiction de promouvoir certains produits ou services. Le non-respect de ces règles peut entraîner des sanctions pénales, allant de l’amende à la peine d’emprisonnement dans les cas les plus graves.

Les infractions spécifiques au monde de l’influence

Certaines infractions sont particulièrement prégnantes dans l’univers des influenceurs. La publicité mensongère est l’une des plus courantes. Elle peut prendre la forme de fausses promesses sur l’efficacité d’un produit ou de témoignages fictifs. Les influenceurs peuvent être poursuivis pour tromperie s’ils vantent sciemment les mérites d’un produit inefficace ou dangereux.

La promotion de produits contrefaits est une autre infraction fréquente. Les influenceurs qui font la publicité de contrefaçons, même sans en avoir conscience, peuvent être tenus pour responsables pénalement. La jurisprudence tend à considérer qu’ils ont un devoir de vigilance quant à l’origine des produits qu’ils promeuvent.

La responsabilité pénale face aux contenus illicites

Les influenceurs peuvent être tenus responsables des contenus illicites qu’ils diffusent sur leurs plateformes. Cela concerne notamment les propos diffamatoires, injurieux ou incitant à la haine. La loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN) prévoit un régime de responsabilité atténuée pour les hébergeurs de contenus, mais les influenceurs, en tant qu’éditeurs de leurs propres contenus, ne bénéficient pas de cette protection.

La question se pose particulièrement pour les lives et les stories éphémères. Même si ces contenus disparaissent rapidement, ils peuvent engager la responsabilité pénale de l’influenceur s’ils contiennent des éléments illicites. Les tribunaux considèrent que la brièveté de la diffusion n’exonère pas l’auteur de sa responsabilité.

Les enjeux de la protection des mineurs

La protection des mineurs est un enjeu majeur dans le domaine de l’influence. Les influenceurs ciblant un public jeune ont une responsabilité accrue. Ils peuvent être poursuivis pour mise en danger de la vie d’autrui s’ils incitent leurs jeunes abonnés à des comportements dangereux, comme les défis viraux à risque.

La sexualisation des mineurs est un autre point sensible. Les influenceurs qui mettent en scène des mineurs de manière inappropriée ou qui diffusent des contenus à caractère pornographique accessibles aux mineurs s’exposent à de lourdes sanctions pénales. La justice est particulièrement vigilante sur ces questions, comme l’ont montré plusieurs affaires médiatisées.

La responsabilité pénale dans les opérations de marketing d’influence

Les opérations de marketing d’influence soulèvent des questions spécifiques en termes de responsabilité pénale. Les influenceurs peuvent être poursuivis pour pratiques commerciales trompeuses s’ils ne déclarent pas clairement les partenariats commerciaux dont ils bénéficient. La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) est particulièrement attentive à ces pratiques.

La promotion de produits réglementés, comme l’alcool ou les médicaments, est strictement encadrée. Les influenceurs qui ne respectent pas ces réglementations s’exposent à des poursuites pénales. La jurisprudence tend à considérer que leur statut de prescripteur leur confère une responsabilité accrue dans ce domaine.

Les défis de l’application de la loi dans un contexte international

L’application de la loi pénale aux influenceurs se heurte souvent à des difficultés liées au caractère transnational d’Internet. De nombreux influenceurs opèrent depuis l’étranger, ce qui complique les poursuites. La coopération internationale en matière judiciaire est cruciale pour surmonter ces obstacles.

La question de la compétence territoriale des tribunaux français se pose fréquemment. Les juges tendent à considérer que dès lors que le contenu est accessible en France et vise un public français, la loi française peut s’appliquer. Cette interprétation extensive de la compétence territoriale permet de poursuivre des influenceurs basés à l’étranger.

Vers une responsabilisation accrue des plateformes

Face aux difficultés à poursuivre individuellement les influenceurs, on observe une tendance à la responsabilisation des plateformes. Les réseaux sociaux comme Instagram, TikTok ou YouTube sont de plus en plus sollicités pour modérer les contenus et sanctionner les influenceurs qui enfreignent les règles.

Cette évolution soulève des questions sur le rôle de régulateur que jouent ces plateformes privées. Certains craignent une forme de privatisation de la justice, tandis que d’autres y voient un moyen efficace de lutter contre les dérives. Le débat reste ouvert sur l’équilibre à trouver entre la liberté d’expression et la protection des utilisateurs.

La responsabilité pénale des influenceurs est un domaine en constante évolution. À mesure que leur influence grandit, le cadre légal se précise et se durcit. Les influenceurs doivent prendre conscience des risques juridiques liés à leur activité et adopter une attitude responsable. Pour les autorités, le défi est de trouver un équilibre entre la régulation nécessaire et la préservation de l’innovation dans ce secteur dynamique.